vendredi 17 octobre 2014

Dépression et périnatalité


Bishop, 2014
Cela fait maintenant presque deux ans que je n'ai pas écrit sur ce blogue. C'est typique pour moi. J'entreprends des projets et je suis pleine de bonne volonté, mais j'abandonne aussi rapidement. J'adore écrire, mais c'est un défi pour moi de m'asseoir et de prendre le temps. Avec mes deux garçons et un troisième en route, je ne manque pas d'excuse pour délaisser mon clavier. Je ne ferai pas aujourd'hui le récit de ma dernière année et demie avec mes trois amours (mon chum compris). Tout va bien avec les aléas de la vie. Toutefois, je profite de cette plateforme pour partager une toute autre réalité, trop souvent passée sous silence, qui peut aussi faire partie de la maternité. La dépression.

Je fais partie de celles qui ont eu un diagnostic de dépression post-partum, six mois après la naissance de mon beau Renaud. Je vivais plusieurs deuils, celui de mon père, de ma famille décomposée et du bébé tel qu'imaginé. Renaud a été un bébé difficile. Il pleurait beaucoup (plus de six heures par jour), dormait peu, a eu des intolérances alimentaires (protéine bovine et soya) et est d'un tempérament hypersensible. Mais je pense que peu importe le tempérament de notre premier bébé, il y a toujours un deuil à faire entre ce que l'on avait imaginé et la réalité. On sait qu'on va être fatiguée, mais pas à quel point la fatigue peut nous terrasser. On sait qu'un bébé ça pleure, mais pas que des fois on n'en peut plus de l'entendre pleurer. On sait qu'on va perdre un peu de notre liberté, mais pas à quel point notre vie va maintenant s'organiser autour de l'horaire de notre bébé. Bref, six mois après la naissance de Renaud, je n'étais plus l'ombre de moi-même. Je ne dormais presque plus la nuit malgré une fatigue immense. Je pleurais pour un rien et j'avais parfois envie de dormir sans plus jamais me réveiller. Par dessus ces émotions, je me sentais immensément coupable de ressentir ces dernières alors que je devrais être la personne la plus heureuse sur la terre puisque j'avais donné naissance à un beau bébé en santé que j'aimais plus que tout au monde.

Mon amoureux a pris un congé sans solde pour m'aider au quotidien à prendre soin de Renaud et je suis allée voir mon médecin. Je vous épargne la panoplie de médicaments qu'ils m'ont fait essayer avant de trouver le bon, mais tout ça a mis fin à mon allaitement (un deuil de plus). Finalement, j'ai commencé à prendre de l'Effexor et j'ai pu reprendre mon souffle, dormir et sourire. Il y avait donc une lumière au bout du tunnel. Auparavant, j'ai beaucoup lutté contre l'idée de prendre des médicaments pour une dépression, mais je dois dire que dans mon cas précis, cela m'a permis de prendre soin de moi et de mon bébé et je ne pense pas que j'y serais arrivée autrement. Ça m'a permis de me sortir la tête de l'eau.

Renaud a maintenant trois ans et demi et je prends toujours la même dose d'Effexor. Entre temps, j'ai eu mon beau bébé Léo et je suis aujourd'hui enceinte de près de 25 semaines d'un troisième petit bonhomme. J'ai tenté de cesser ma médication, mais cette nouvelle grossesse a amené son lot d'émotions et je n'y suis pas arrivé. C'est une grossesse difficile. J'ai eu de grosses nausées pendant mon premier trimestre et je prends toujours du Diclectin le soir pour ne pas me réveiller nauséeuse le matin. La fatigue que je ressentais lorsque je travaillais (jusqu'à il y a 3 semaines) était EXTRÊME. Bien sûr, le fait d'être maman de deux petits cocos de moins de 4 ans n'y est pas étranger. Mes nuits ne sont jamais paisibles. Elles sont parsemées de réveils et de visiteurs nocturnes qui ont vu un dragon ou qui souhaite simplement se coller pour mieux rêver. Le travail était exigeant et je me sentais souvent déchirée entre mon rôle de mère et mon rôle de travailleuse. J'aurais voulu exceller dans les deux et à trop vouloir en faire, j'échouais des deux côtés. À bout de souffle, ma sage-femme m'a envoyée voir mon médecin pour comprendre davantage la source de ma fatigue qui ne s'expliquait pas par mes tests sanguins. Le verdict est tombé: dépression professionnelle ou, plus communément, burn out. Décidément, c'est un mot qui me hante. 

Je trouve difficile de repasser par ce processus d'acceptation de l'échec ou du moins de ce que je perçois être comme un échec. Mais cette fois-ci, je ne veux pas qu'on augmente ma médication. Je me sens plus forte que les fois précédentes. Je suis heureuse en présence de mes trois amours, ce n'est donc pas un état constant. J'ai plutôt opté pour le yoga que j'avais mis de côté depuis la naissance de Léo. J'ai ressorti mon livre yoga for depression d'Amy Weintraub et après deux semaines de pratique quasi quotidienne, j'en ressens déjà les bienfaits. Je me sens beaucoup plus connectée à mon bébé à venir et beaucoup plus patiente et constructive dans mes interventions avec mes garçons. Je me sens calme et je commence à prendre du recul par rapport à ma situation professionnelle. Ce livre me permet de comprendre qu'est-ce qui, dans le yoga, apporte tant de bienfaits. Mon esprit rationnel a besoin de comprendre et c'est ce que je souhaite partager ici dans les semaines à venir et j'espère, par le fait même, pouvoir aider d'autres mamans qui se sentent aussi parfois coupable de ne pas être à la hauteur, d'être triste et fatiguée, bref, de ne pas correspondre aux exigeances qu'elles s'étaient fixées.

6 commentaires:

  1. C'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai lu ta publication Émilie. Bravo pour ton courage; parler de ce sujet n'est pas facile. Nous avons bien hâte de faire la connaissance de votre troisième petit bonhomme. D'ici là je te souhaite du repos et surtout plein de beaux moments avec tes proches. A bientôt! Christine (avec Prez et Rosalie au Vermont)

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    1. Merci Christine! Bien hâte de vous voir aussi. Profitez de vos vacances en famille!!!

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  2. Allo, c'est un bel article et j'espère que tu as beaucoup de soutien autour de toi... je crois qu'on a grandi autour d'un mythe que nos grands-mères avec 15 enfants étaient de super-femmes, alors, pourquoi n'y arrivons-nous pas avec 1 seul enfants? Je crois que tu aimerais le livre Bountiful, Beautiful, Blissful - Experience the Natural Power of Pregnancy and BIrth with Kundalini Yoga and Meditation.

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    1. Merci Cynthia. Effectivement, les idées préconçues que nous portons en nous de la maternité viennent parfois être contredites par la réalité. Merci pour la recommandation de lecture. Je suis toujours à l'affût de lectures à ce sujet.

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  4. Merci Émilie pour ce billet. C'est important de parler de dépression (et de santé mentale en général). Il y a encore trop de tabous autour de ce sujet. Les tabous autour de la personne qui souffre, mais aussi autour des personnes qui les entourent. Parents, amis, amoureux et même collègues souffrent parfois tout autant devant l'impuissance d'un soutien non reconnu ou non compris, devant le rejet de la part de la personne que l'on souhaite soutenir/protéger/comprendre, devant le jugement d'un entourage qui ne comprends pas pourquoi nous sommes encore là après tout et devant la culpabilité de finalement baisser les bras. Accepter que ça existe, en parler comme tu le fais ici, j’espère contribuera à faire tomber les barrières et préjugés. Bonne grossesse!

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